lundi 24 octobre 2011

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SCENE DEUXIEME (RECITATIF)
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Mise au point
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L'embaument achevé, le vent se lève, comme dit le poète, il faut tenter de Vivre. Vient alors un court récitatif, sec et nerveux, burlesque après l'émotion vécue et que les représentations conventionnelles en Italie faisaient débiter à toute vitesse pour s'en débarrasser. Mais Pierre Jouve dit à juste raison le trouver d'une force et d'une violence jamais égalées.
La musique, en effet, s'est effacée dans ce dialogue aux paroles chuchotées, rapides comme l'éclair, denses comme le plomb; devenu musical par l'effet de l'éclat sourd et volubile des voix accompagnées par la basse continue.
En fait: une mise au point entre un valet naïf et pleutre, mais attaché aux impératifs de la conscience commune, et un maître insolent, lucide et courageux, mais fermé aux délicatesses morales. Le valet: le vieux est mort? Bravo! il y a donc à la fois viol et meurtre! Don Giovanni: C'est le vieux qui l'aura voulu, tant pis pour lui! Le valet: mais elle, Donna Anna, l'a-t-elle voulu? alors fortissimo, c'est: le Tais-toi du maître et, sur une descente vocale, le: Bien je ne parle plus! du valet.
Oui: on a l'impression d'un chuintement crépusculaire et morbide, tel qu'on l'entend dans certaines pièces shakespeariennes...
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COMMENTAIRE: ENCORE LES DOUBLES
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Leporello, comme on voit, a beaucoup de chemin à parcourir pour rejoindre son maître. Il n'est pas si près d'accéder à cette indifférence grand'seigneuriale touchant les exigences de la conscience commune, ni à ce courage nécessaire à celui qui choisit de se réaliser dans le mal. Il n'empêche, cependant, pour citer Pierre Jean Jouve, que les deux figures communiquent et peuvent se glisser l'une dans l'autre... Leporello reproduit toujours Don Juan, Leporello est la partie basse de Don Juan, lui, use de Leporello; il se nourrit de Leporello.
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SCENE TROISIEME (N°2 Récitatif avec orchestre et duo)
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EMBAUMEMENT
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N°2 Fuggi, crudele, fuggi
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Donna Anna reparaît, suivie de Don Ottavio son fiancé et de quelques serviteurs portant flambeaux. Elle dit venir au secours de son père, et Don Ottavio, tirant l'épée, dit vouloir verser du sang et demande où est le scélérat.
Cependant, Donna Anna aperçoit un corps: Ma qual mai s'offre, o dei (Mais quel spectacle funeste, ô dieux); quelques mesures tourmentées traduisent son trouble encore interrogatif, devenu bien vite hélas un constat funèbre. Alors a lieu le grand récitatif de lamentation, accompagnant la reconnaissance et la perception détaillée du cadavre.
D'abord elle découvre la réalité: sur des accords tragiques elle invoque les dieux, puis répète trois fois: C'est mon père, avec une désolation attendrie la dernière fois. Ensuite, s'étant repue jusqu'à pâmoison de l'irregardable, elle vient aux détails: Quel sangue/quella piaga, quel volto (Ce sang/cette plaie, ce visage), chacune de ces évocations ponctuées par une plainte musicale de plus en plus étirée, avec (ici) une immense parenthèse confondante sur le travail de la mort. Et le constat reprend: Ei non respira piu...fredde ha le membre...(Il ne respire plus...ses membres sont froids), notant les effets les plus immédiats de la mort, sur des accents toujours aussi confondants: ce que serait un soupir démesuré... Puis ont lieu les cris de la fin, reproduisant comme un refrain la triple invocation du père (Padre mio!), suivie, à chaque fois, des mêmes alanguissements, pour déboucher sur ce constat qu'elle défaille et qu'elle meurt elle: Io manco...io moro...
Ottavio la soutient, tandis qu'on emporte le corps. Il réclame des secours, des essences: une énumération qui rappelle la précédente: les termes de celle-ci étant toujours ponctués par de larges plages musicales. Donna Anna, sur les pincements douloureux des cordes, des bois et des corps, revient à elle et Don Ottavio, sur un rythme consolateur, demande à ce qu'on ôte vite de devant elle l'oggetto d'orrore (l'objet d'horreur). Ce faisant, elle croît être soudain aux côtés du meurtrier: sa fureur éclate en un cri de violence: Fuggi, crudele, fuggi! (Fuis, cruel, fuis!), et, dans un chant retourné au ton de Ré mineur, demande à mourir aussi. Mais elle reconnaît Ottavio qui lui promet son appui et s'excuse Tu sei! Perdon , (C'est toi! pardon). Lui, à deux reprises, l'assure alors qu'elle trouvera en lui un époux et un père, afin qu'elle délaisse la rimembranza amara (le souvenir amer).
Mais elle, située déjà par-delà cet amour d'un fiancé consolateur, n'entend résonner en elle que l'impératif de la vengeance: Ah! jure à jamais de venger, ce sang, si tu le peux, s'écrie-t-elle, avec des accents tragiques et haletants dans la voix et sur des touches violentes à l'orchestre.
Alors a lieu la coda de la scène. Don Ottavio sur le ton de l'adagio et d'une sollicitation attendrie et enveloppante, rompant étrangement avec le tragique de la voix d'Anna, jure au nom de leur amour.
C'est le duo final où ils se disent liés tous les deux par un serment, qu'ils placent sous le signe des Dieux, Che barbaro momento! (Quel moment terrible!), tout en s'affolant à l'idée des mille sentiments dont le coeur est envahi.
Le duo, au début indécis, houleux, tout en volutes douloureuses sur les cordes puis sur les flûtes et les hautbois, s'élève par degrés au niveau des voix parallèles jusqu'à une affirmation finale, purement orchestrale, qui est un cri de colère, -cri qui dénie les propos de ces âmes qui se disent ballottées (ondeggiando). Ainsi texte et musique peuvent-ils parfois diverger. Mais ce commencement flottant de duo d'une part, puis cette affirmation musicale croissante conjointe aux dites paroles, témoignent du mélange de désarroi et de décision implacable qui rend ce duo pathétique. C'est une vengeance qui, selon Pierre Jean Jouve, s'étonne d'elle-même, ne nommant ni son objet, ni les moyens de l'atteindre.
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2 commentaires:

  1. Ou puis-je trouver la traduction en français de la FINALE DEL PROLOGE (Le Choeur des démons et le choeur des anges).
    Cette demande est URGENTE.
    Je n'ai trouvé que 2 versions de GIOVANNA D'ARCO ... sans livret.
    MERCI DE VOTRE REPONSE

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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