lundi 24 octobre 2011

Un Scelus nefas camouflé
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Solera s'est inspiré de Schiller. Chez ce dernier, en effet, la troupe anglaise, gagnée par l'effroi à Orléans et défaite, a vécu l'assaut de Jeanne comme une manifestation du diable et taxé celle-ci de sorcière, Talbot seul résistant à ce genre de superstition.
La grande innovation de Solera touche le père. Celui-ci, comme chez Schiller, s'oppose, dès le début, à la mission de sa fille, la disant inspirée de Satan et sorcière.
Mais chez Solera, le père, qui a cru découvrir dès le départ un sentiment entre le roi et sa fille (en quoi il a été bon prophète), va, maintenant, jusqu'à pactiser avec le camp anglais et vouloir lui livrer Jeanne - sous couvert que la France est souillée par ce couple diabolique. Sa traîtrise et sa cruauté paternelle lui paraissent peu de chose, voire souhaitables, au vu de la foi mise à mal, dont il ressent le besoin de développer le dogme auprès des Anglais.
Ceux-ci, acquis à l'idée d'une Jeanne sorcière, reçoivent sans peine le message. Seul, Talbot, indifférent à la référence religieuse voit, dans la prise de Jeanne, une opportunité qui lui donne une bouffée d'espoir.
Ainsi, dans le geste de Jeanne, où il n'y a pas -chez Schiller comme chez Solera- d'inquisition finale, c'est lui, jacques, qui en tient lieu...
Pour tenter de comprendre ce père hors nature, même si nous lui accordons un zeste de folie ou de paranoïa, il faut le replacer dans son époque. Au Moyen-Âge (comme d'ailleurs par la suite tard jusque dans le XVIIIème siècle), la croyance en la sorcellerie et en la magie est dominante. les sorcières sont dites responsables des sècheresses, des famines, des maladies..., ces femmes tirant leurs pouvoirs (croit-on) d'habitudes ou de rituels maléfiques. Les accusations portent même sur des personnes en vue ou riches, et vont souvent si loin qu'elles s'exercent même dans le sein des familles. la devise essentielle est de ne pas se montrer charitable, mais de sauver les vérités de la foi et d'assurer le salut des âmes des personnes incriminées.
L'opinion publique accuse souvent les autorités de ne pas être plus intransigeantes -voire certains inquisiteurs eux-mêmes, lassés par les excès de la vengeance et des hécatombes qu'elle entraîne.
Notre Jacques est, pour tout dire, une émanation de ce courant, et, impatient d'agir, dévoré peut-être par la peur liée à une non-dénonciation de sa fille. Le voilà transformé à lui tout seul en un tribunal d'inquisition à l'endroit de cette dernière, devenue le sarment pourri à détacher du cep de la vigne.

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