lundi 24 octobre 2011

Les Jeanne d'Arc littéraires...

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"Jehanne d'Arc force les Anglais à lever le siège d'Orléans le 8 mai 1429"
(photo malgbern)
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Les Jeanne littéraires avant Schiller.
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Le premier ouvrage sur Jeanne d'Arc qui a fait le plus parler de lui, est sans nul doute celui de Jean Chapelain. Poète officiel, membre fondateur de l'Académie française, responsable du protectorat des écrivains, ami et admirateur de Richelieu, il travaille 25 ans à La Pucelle, et la France attend impatiemment, avec cet ouvrage, son Iliade ou son Enéide. Mais hélas, les premiers chants parus, tout le monde tombe sur le pauvre Chapelain, pourtant généralement aimé : ce ne sont que critiques méchantes et épigrammes - dont celles de Boileau! Pourtant les intentions étaient pures, le souffle se voulait épique. Mais Chapelain n'est ni Corneille ni Racine et les fautes de mauvais goût abondent, tant au niveau du contenu que de la forme.
Le second ouvrage sur l'héroïne, à soulever l'opinion, est La Pucelle de Voltaire, ouvrage sulfureux, toujours en vers, mais dans le style de l'Arioste. Voltaire a le dessein, au travers de la petite bergère, de porter un coup à la religion chrétienne. De tous les écrits qu'il a produits, c'est sans doute celui qui lui a valu le plus de désagréments - non seulement parce que Jeanne y est devenue un objet d'amusement, voire de dérision, mais parce qu'il y attaque, au passage, les personnages les plus puissants: Louis XV, dont il ne supporte pas la froideur à son endroit, Madame de Pompadour, qui a le mauvais goût de lui préférer Crébillon, et quelques grands seigneurs, dont certains sont des amis, mais qu'il traite de ridicules et de vicieux.
Des copies du texte, voire des copies partielles, sont d'abord confiées au cercle restreint d'amis, avec l'expresse recommandation de ne pas les divulguer. Mais, comme on s'en doute bien, des fuites ont très vite eu lieu et, désormais, il n'a plus de tranquillité. Voltaire apprend que La Pucelle court Paris, manuscrite, et qu'on va l'y imprimer avec toutes ses inconvenances, toutes ses impiétés, toutes ses obscénités. Aussi se prend-il à les désavouer en partie, procédé qui lui a toujours réussi, tout en décuplant l'impact de la chose. Pour le perdre, dit-il, on a tout falsifié ou presque, alors qu'il ne songeait qu'à redresser, tout en s'amusant, l'esprit français, capable des pires dérives sectaires. Jusqu'à Londres, maintenant, où les éditeurs n'hésitent plus, pour exciter le lecteur, à publier le texte avec ses désaveux! Aussi l'auteur de Candide, se décide-t-il, en 1762, à donner une version de son poème, expurgée de ses trop grandes attaques contre la religion et les personnes.
Certes, le fond est le même; la chevalerie y est toujours ridiculisée. On peut donner une idée de ces flèches visant l'épopée dite héroïque. Ainsi la monture de Jeanne est un âne ailé, un Pégase aux deux longues oreilles. Et, tel Pégase, elle transporte instantanément sa maîtresse aux endroits souhaités. A un moment, l'âne tente d'assouvir sur Jeanne son désir. Il est aussitôt abattu par Dunois auquel, par récompense, Jeanne sacrifie sa vertu.
Dans sa Correspondance, Voltaire déclare ne pas prendre au sérieux tante cogliconerie (Tant de "couillonnades"), et il croit devoir revenir, plus sérieusement, dans son Essai sur les moeurs, sur le personnage. Le style sans doute est différent, mais l'esprit demeure. A travers Jeanne, il dénonce la crédulité populaire, la soi-disant providence dans l'Histoire et les dérives sectaires des religieux.

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