mardi 11 septembre 2012

Parsifal, Acte III




Quelqu'un de très empressé et sans doute de très officiel s'occupait maintenant de la Bégum, déjà installée, comme j'entrais. La distance entre nous était donc redevenue infinie. J'en fus très heureux car j'en étais à me demander, en regagnant ma place, comment à présent me comporter. Le problème était réglé. Et je me retrouvai sur mon siège, l'esprit libre, attendant que le rideau se levât sur l'enceinte de Montsalvat.

L'artifice théâtral consistait ici à faire en sorte que la pleine victoire du héros se trouvât différée. C'est qu'il faisait partie du destin de l'élu de s'accomplir, avant, en des pèlerinages et des courses de chevalier errant. La musique qui rend le climat de ces errances, dès le moment où je l'entendis chez mon ami Orange, m'emplit d'une émotion et d'un trouble qui ont marqué, indélébiles, ma sensibilité, jeté dans une jouissance pleine de morbidité, que n'ont jamais pu entamer les réflexions de Nietzsche proposant à la place, pour notre santé morale, la musique vive et rythmée de Carmen. J'avais senti avec force, quoi qu'on puisse lire par ailleurs de Wagner, que je serais toujours délibérément wagnérien.
En ce commencement de l'Acte III à Beyreuth, le charme, l'envoûtement opéraient à nouveau sur moi avec une force accrue... Mais il faisait aussi partie de Montsalvat de traverser un long vide et de vivre en une attente douloureuse:"Priez, priez, car le salut qu'on peut croire si lointain est peut-être proche." Toutefois, le temps, au coeur de cette espérance, a fait son oeuvre. Gurnemanz est devenu un vieil ermite gémissant sous le couvert du bois près du château dans la pénitence d'humbles besognes tandis que Kundry poursuit sa vie de pécheresse. Gurnemanz l'a trouvée, peu de temps auparavant, à ses côtés, plongée dans un sommeil magique. Il l'a réveillée et prise à son service. Les années ont aussi passé sur les chevaliers et Amfortas et le rituel figé donc inutile ne les a pas aidés à conserver leur vitalité. Titurel, le père d'Amfortas, est à l'agonie... Mais, au moment où nous sommes, c'est le Vendredi-Saint quand, soudain, Parsifal émerge des horizons légendaires et vient s'asseoir près de la source du lieu. Gurnemanz reconnaît avec enthousiasme le candide, portant cette fois la Lance Sacrée. Kundry s'agenouille devant lui et lui lave les pieds, tandis que Gurnemanz lui baigne les cheveux; ainsi entrera-t-il, propre et pur dans le temple.
Cependant, on entend le planement de voix extasiées "que soutient et enveloppe l'hymne éthéré de la transfiguration." C'est l'Enchantement du Vendredi-Saint. L'éclosion magique d'un printemps paradisiaque où la terre n'est plus qu'un étincellement fleuri, un tapis de roses au parfum luxuriant et impalpable. C'est alors que Parsifal, soudain prêtre, se lève et baptise Kundry. Puis, tous trois entrent dans le saint des saints de la forteresse, portés par le flot continu et ténu d'harmonies suaves. Le tableau final reprend, en des proportions plus réduites, le tableau religieux du premier acte. Voici donc de nouveau: la salle des agapes, la haute coupole, les cortèges et les choeurs... En cette atmosphère, confiante et pieuse, s'élèvent alors les sanglots d'Amfortas, plus amer que jamais. Les chevaliers se sont en effet rassemblés pour célébrer la mort de Titurel et demander à Amfortas de reprendre le rite à cette occasion. Celui-ci refuse, suppliant qu'on l'achève...

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