(photo malgbern)
Jacques Junca
L'art de la synthèse initiatique.
Ses premières émotions lyriques, Jacques Junca les a ressenties vers l'âge de 12 ans quand il vit dans les arènes de Nogaro une "Carmen"qui resta gravée à plus d'un titre dans sa mémoire de futur mélomane. L'arrivée de l'opéra dans cette petite ville du Gers était déjà en soi un événement mais surtout la "Carmen" n'était autre que Jane Rhodes alors au faîte de sa renommée. De plus, celle qui l'après-midi allait être la sulfureuse héroïne de Bizet assistait le matin même à la messe dominicale. Il n'en fallait pas plus pour troubler un jeune garçon rêveur et déjà romantique qui vit là comme un signe de ce destin qui le conduirait à approfondir la mystique wagnérienne.
Et, comme pour lui donner raison, la fatalité s'abattit sur cette rencontre déterminante qui aurait pu être contrariée définitivement s'il n'y avait vu là un signe de ces dieux dont il fera sa compagnie habituelle.
En effet dans l'après-midi une pluie diluvienne vint interrompre la représentation et c'est d'une certaine manière noyée que "Carmen" termina sa carrière gersoise. Don José n'avait plus qu'à ranger sa navaja.
Un détail auquel le jeune garçon n'eut pas envie de s'arrêter. Il venait en effet de découvrir un nouveau monde, à la fois étonnamment accessible et assez mystérieux pour que plus tard il ait envie d'en décrypter les codes.
Jane Rhodes
Les hasards des rencontres et des études lui permirent d'aller plus avant dans la connaissance de l'opéra sans qu'il n'ait jamais pensé un instant lui consacrer plus de temps que ne lui faisait espérer son métier d'enseignant.
C'est à Rouen, où il fréquentait assiduement le Théâtre-cirque d'abord puis le Théâtre des Arts que le déclic se produira.
Et pas n'importe lequel puisqu'il s'agissait de la "Tétralogie" remontée pour la première fois depuis la guerre dans son intégralité. Ce fut un événement et pas seulement rouennais. C'est l'époque glorieuse où des cars parisiens venaient en matinée assister à des représentations qui sont restées célèbres. Rouen était un phare qui grâce à deux personnages d'exception qu'étaient André Cabourg et Paul Ethuin, rafflait régulièrement tous les ans la première place des théâtres municipaux de France.
La Tétralogie fut donc le signe par lequel Jacques Junca entrevit sa vie prendre un autre tour. Ses premiers frémissements wagnériens il les avait connus quand un maître d'application à l'Ecole Normale féru d'opéra l'avait emmené voir "Parsifal" à Bayreuth.
Pour une première leçon, c'était commencer en quelque sorte par la fin du cours, mais son mentor avait eu la sagesse de le prévenir: Laissez-vous porter par la musique, lui avait-il dit. "Il sera temps plus tard d'éplucher les choses".
Et c'est l'entreprise dans laquelle Jacques Junca va se lancer: "éplucher" Wagner pour rendre plus lisible ce véritable labyrinthe mythologique.
Il le fera en franc-tireur - et c'est un risque énorme qu'il prend tant la "clientèle" wagnérienne est extrêmement attentive à tout ce qui touche le compositeur et son oeuvre.