mardi 12 juin 2012

La Reine de la Nuit

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( Photo malgbern)




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La Reine de la Nuit.




Le grand problème posé par la Flûte enchantée, finalement, est celui du sort de la Reine. Que devient-elle? Elle disparaît, dit le texte, dans l'éternelle nuit.... Qu'est-ce que cela signifie? qu'elle est morte? ou qu'il n'existe plus désormais de Reine de la Nuit efficace dans son domaine et désormais dangereuse pour Sarastro?




Morte, elle l'est en effet d'une certaine façon. Morte à son projet d'investir le royaume de Sarastro. Relativement à cet échec de la Reine, Sarastro est bien le grand vainqueur. Il peut se targuer d'avoir assuré la victoire de la Lumière sur les Ténèbres.



Mais le monde dès lors va-t-il devenir toute lumière? L'obscurité va-t-elle être toute ramassée en un puits noir? Pour nous, nous ne le croyons pas. Le conte ne prétend pas nous faire assister à un changement ontologique du monde, à la génèse d'un monde uniquement spirituel. Ce qu'il vise, par le biais des Initiés, c'est à une amélioration constante de celui existant, à l'instauration d'une sorte de Ciel sur la Terre. Si cela est, la Reine de la Nuit ne peut périr. Elle est incompressible.



Elle est, en effet, l'image du Grand Serpent Originel que nous avons vu apparaître au début de l'acte I et dont Ernst Jünger dit qu'il est la Forme absolue, la forme qui, dans l'évolution, s'approche le plus de cette Image Originelle du monde qui est hors du temps.



Sans la Reine de la Nuit, le monde serait inconcevable. Elle représente, on l'a vu, le féminin éternel, les sèves éternelles de la vie. Son péché est d'avoir voulu rompre certain équilibre entre ce qu'elle représente et le domaine masculin de Sarastro, domaine de la pensée et de l'esprit. D'avoir tenté que l'émotionnel submerge l'intelligible.




Mais un danger aussi grand serait, nous semble-t-il, que le royaume de Sarastro se coupât complètement du substrat des profondeurs. L'esprit n'existe que d'émerger. Par l'effet d'une philosophie des Lumières et d'un progressisme intempestifs, sa société d'Initiés, ou du moins celle favorisée par eux, verrait naître, sur le lit des manifestations de la vie écartées, les pires violences et les pires monstruosités. ( A l'égal de celles de nos sociétés industrielles par trop planifiées).


Aussi, la Reine doit-elle demeurer. Car n'est-elle pas la figure étincelante et nocturne de quelque chose de plus nocturne encore qu'elle: le Grand Serpent des Profondeurs? l'attribut de toutes les déesses-mères? l'ornement du front d'Isis elle-même? celui qui de toute éternité est, par-delà les naissances et les morts. Et faire le procès de la Reine serait faire le procès du Grand Serpent et donc des sources de la vie. Comment tuer la Mère? Apollon lui-même - comme Tamino à sa façon - a plus maîtrisé la bête qu'il ne l'a tuée. Et sa Pythie proférait au-dessus des vapeurs sorties des profondeurs ces énonciations dont les hommes qui la consultaient tiraient, eux, des clartés.